On a de bonne heure reconnu en Saint-Évremond un “maître de la critique”. Ses écrits sur le théâtre, tous rédigés entre 1667 et 1677, constituent un ensemble cohérent: le critique exilé y développe ses vues sur les auteurs anciens et modernes, français et étrangers, à l’époque où Molière donne ses chefs-d’œuvre et où l’étoile montante de Racine commence à obscurcir la gloire du vieux Corneille. C’est une critique de goût qui, sans renoncer à l’outillage des poétiques normatives, sait reconnaître la part du contingent et du relatif inhérente au jugement esthétique. Pourtant, relativisme n’est pas neutralité : derrière le détachement de l’honnête homme se profile l’image du critique militant, qui s’engage dans les débats du temps et dénonce le risque de stérilité qui guette à ses yeux la scène française, trop repliée sur le modèle galant et de plus en plus fermée à l’admiration pour l’“altérité” héroïque. C’est à la lumière de ce diagnostic que sa préférence pour Corneille contre son jeune rival, jamais démentie, prend tout son sens. Professeur associé de Langue et Littérature française à l’Université “Guglielmo Marconi” et spécialiste du XVIIème siècle, Federico Corradi a étudié particulièrement l’œuvre de La Fontaine (Immagini dell’autore nell’opera di La Fontaine, Pisa, Pacini 2009) et la tradition de la fable humaniste. Il a édité des ouvrages de Saint-Réal (Césarion ou entretiens divers, Paris, Hermann 2013) et de Madame de La Fayette (La Principessa di Montpensier, Roma, Portaparole 2011). Il est l’auteur de plusieurs articles sur les modalités de l’écriture historique dans le roman contemporain.