Chamfort est passé à la postérité comme le moraliste misanthrope, un portrait qui ne lui correspond pas de son vivant, alors qu’il était avant tout un jeune auteur de théâtre, devenu un académicien brillant et ensuite un révolutionnaire passionné. En tant que critique, il a signé de nombreuses contributions, notamment les éloges célèbres et primés de Molière et de La Fontaine, que Stendhal considérait « parmi ce qu’on a écrit en France de plus exquis ».
Ce volume souhaite proposer un ouvrage moins connu, et pourtant non moins digne d’intérêt : l’Essai d’un commentaire sur Racine. Resté dans les manuscrits de Chamfort et publié seulement en 1825, il offre une lecture d’Esther qui, échappant aux opinions acquises et répandues de son temps, saisit la spécificité de la pièce racinienne. L’approche critique de Chamfort inscrit Esther au sein d’un dialogue littéraire entre auteurs de siècles et langues différents : la voix qui en surgit est celle des Lumières, dans ses débats virulents et ses contradictions indissolubles.
Chercheuse en Langue et Littérature française à l’Università degli Studi di Bergamo, Francesca Pagani est spécialiste du XVIIIème siècle. Ses recherches portent sur l’imaginaire littéraire de la modernité et sur les relations que la littérature établit avec les sciences et les arts (L’immaginario delle « vapeurs » nel Settecento, Bergamo, Sestante 2013 ; Le macchine nella letteratura dei Lumi, Roma, Aracne 2014). Elle a édité les œuvres de Bibiena (La Nouvelle Italie, Paris-Bergame, L’Harmattan-Sestante 2008 et Romans, Paris, Classiques Garnier 2014).